« Des coloriages et des fous »
On entend de plus en plus parler « d’art thérapie ». Des livres de coloriages de mandalas ou de patterns pour adultes fleurissent dans les librairies au rayon bien être et développement personnel. Retourner dans un plaisir d’enfance pendant quelques minutes pour se recentrer, se calmer.
L’autre vision que l’on se fait de l’art thérapie est celle pratiquée dans les maisons de repos, les Ephad : des ateliers de mosaïque ou de loisirs créatifs pour occuper les malades, leur changer les esprits quelques heures par semaine.
Au delà de ces images restreintes et assez superficielles, l’art thérapie s’étend dans des territoires bien plus riches, dépassant le simple bien être pour devenir une véritable source d’épanouissement et de guérison.
Ce qu’est l’art thérapie
L’art thérapie est un univers tellement immense qu’il me serait impossible d’en explorer toutes les facettes en seulement quelques phrases. J’en donnerai donc ma définition en tant qu’art thérapeute.
En art thérapie on fait appel à la créativité comme moyen thérapeutique.
La créativité est une capacité naturelle de l’humain qui lui permet d’évoluer, d’inventer sa vie et son monde.
La créativité c’est cette graine en chacun qui ne demande qu’à germer, à s’épanouir. C’est la force de vie et d’évolution que l’on porte en nous.
La créativité s’exprime d’une manière absolument unique en chaque personne. Elle nous permet de nous construire en tant qu’être authentique, libre de son regard sur le monde, de son destin et de ses choix.
Sans créativité, nous sommes soumis au monde extérieur, au regard des autres. On est impuissants face à notre propre histoire.
L’art thérapie telle que je la conçoit a pour objectif d’aider chaque personne à trouver en elle cette créativité, cette force vitale, à l’apprivoiser, à la libérer, à la laisser agir. A exprimer ce qu’elle porte au plus profond d’elle même au delà des mots.
Ces mots qui trop souvent enferment l’infini créativité de notre âme dans des concepts et l’empêchent d’être pleinement exprimée. Lorsqu’il n’y a pas de mots, il n’y a pas de mensonge. Ce qui s’exprime est vrai, et ce sont ces vérités qui nous révèlent qui nous sommes au plus profond de nous, qui nous apprennent quelles sont nos barrières, nos limites, qu’est ce qui se niche derrière nos souffrances.
Libérer la créativité c’est laisser couler ce fleuve en nous et à l’extérieur de nous. C’est danser avec la vie. C’est être tout simplement. L’art thérapie vise à laisser sortir ce qui en nous a ce désir bouillant de s’exprimer. De le sortir de notre inconscient, et de le poser là, devant nos yeux, à portée de sens (dans toutes les acceptions du terme.)
L’art thérapeute, en tant que simple accompagnateur, laisse la liberté au sujet de se trouver et de se guérir par lui même avec ses propres ressources. Il l’aide simplement à ressentir avec tous ses sens ce qui se joue devant lui, en lui, à libérer ses émotions bloquées, qui peuvent enfin s’exprimer dans toute leur pureté, sans jugement. Émotions qui peuvent enfin se faire connaitre ou reconnaitre.
Enfin, le but ultime de l’art thérapie est de transformer, de sublimer ce qui a pris forme sous nos sens.
La notion du beau prend alors toute sa valeur.
Rendre beau, prendre soin de sa production permet de sublimer – comme l’alchimiste – ce qui en nous avait besoin d’être harmonisé, recréé. Et ce, quel que soit le support, le médium utilisé. La beauté est alors celle ressentie par le sujet créateur lui même, qui n’a pas besoin de validation extérieure pour apprécier son travail de manière intrinsèque. L’intuition créative prend alors toute sa place. Seul le créateur sait au plus profond de lui quand son oeuvre est achevée. Ce soin apporté à la création, le créateur se l’applique à lui même.
Le sentiment d’accomplissement, la complétion minutieuse de l’oeuvre inscrivent ces métamorphoses au plus profond de son être, le transformant lui même.
L’art thérapie, en libérant la créativité, permet au sujet de recréer sa vie, de s’inventer et d’inventer le monde dans lequel il vit.
L’art thérapie, comme le beau, ne se raconte pas, ça se vit. C’est un mouvement de l’âme vers ce qui n’existe pas encore, vers ce qui demande à naître à travers nous.
La trace magique de l’homme
Les premières traces laissées par les premiers humains parlent de ce pouvoir de l’image peinte sur la psychée humaine. Parlent de cette magie transformatrice de l’art. Chaque société primitive a laissé des traces de ces rituels guérisseurs, de ces danses, ces chants, ces légendes, qui permettent depuis toujours aux hommes de se rassembler, de s’inventer et d’évoluer.
Aujourd’hui il me semble important de renouer avec l’imaginaire, avec la magie, avec le sacré, avec notre force créative trop souvent mise en sourdine. De redonner sa place à l’imagination, si importante dans la construction de l’homme. A notre créativité infinie et à notre capacité de transformation. Cela est nécessaire si nous voulons créer les potentiels d’évolution de l’espèce et de la terre que nous souhaitons vraiment voir émerger.
Et je terminerai par une citation de ce grand artiste visionnaire qu’était Victor Hugo, et qui résume tout :
“Rien n’est plus imminent que l’impossible“
Petite bibliographie pour aller plus loin:
« Art thérapie, Un outil de guérison et dévolution – la voie de l’imaginaire » Alexandra Duchastel.
« Le grand livre de l’art thérapie » Angela Evers.
« Que sais-je, l’art thérapie » Jean Pierre Klein.
« Lettres à un jeune poète » P. Maria Rilke.
« Le journal créatif » Anne Marie Jobin.